Aider les jeunes à mieux gérer la frustration (Partie 1)

Publié le Par Frédéric Damato

Pourquoi la moindre contrariété devient insupportable

Aider les jeunes à mieux gérer la frustration (Partie 1)

Plus que jamais, la question de la gestion des émotions est d’actualité. Dans le sport, bien sûr, mais aussi et surtout dans la vie quotidienne. En tant que préparateur mental, je constate chaque jour combien la frustration est devenue insupportable pour bon nombre de jeunes.

Ce constat est glaçant : la moindre contrariété, le plus petit décalage entre attente et réalité, peut provoquer des réactions violentes, disproportionnées, voire destructrices.

Dans cette 1ère partie je propose de partager un constat, de faire entendre les « maux » pour mieux comprendre ce qui rend aujourd’hui la frustration si difficile à tolérer. Cette prise de conscience est indispensable, car elle conditionne toute progression. Cinq axes majeurs structurent ce diagnostic.

🗣️ L’appauvrissement du langage : le S.E.U.M. comme symptôme

Le mot « seum » a remplacé un champ lexical entier. Tristesse, déception, colère, désarroi : tout est réduit à ce mot-valise, inventé, vide de nuances. Quand le vocabulaire manque, la pensée s’appauvrit. Et sans mots pour dire, il ne reste que les actes pour réagir. L’explosion émotionnelle devient l’unique soupape.

Ce manque de langage ne nuit pas seulement à la communication avec les autres : il empêche aussi le dialogue intérieur, la compréhension de soi. On ne se comprend plus, alors on subit, on explose, on se détruit. Et sans la capacité à nuancer ses ressentis, tout devient absolu, tout devient urgent. La frustration, dès lors, n’est plus un passage. Elle devient un point de rupture.

📱 L'écran : miroir trompeur et poison mental

L’écran est partout. Il était au début un outil de communication. Il est devenu un moment de pause, un support d’activité, une bulle relationnelle, un espace de dérives émotionnelles. Le téléphone n’est plus un objet : c’est un continuum.

Mais ce monde est biaisé. Il offre ce que l’algorithme pense que l’on veut voir, pas ce que la réalité plus complète et complexe peut être. L’esprit se ferme, la pensée se rabougrit, la patience se dissout. Le scroll permanent entretient une stimulation sans temps mort, tuant l’ennui pourtant nécessaire à la construction psychique.

Et plus encore, il conditionne l’esprit à l’immédiateté. Tout doit arriver tout de suite, sans attente, sans délai, sans effort. L’algorithme anticipe nos désirs avant même qu’ils ne soient formulés. La frustration devient un bug dans un système d’apparente fluidité.

👨‍👩‍👧‍👦 La famille écranisée : plus personne ne se regarde

Si l’enfant passe autant de temps sur son écran, c’est souvent parce que le parent est lui-même sur le sien. Occupé, débordé, évacuant aussi ses propres frustrations via les réseaux sociaux ou les vidéos, il n’est plus disponible. Ainsi, plus personne ne se parle vraiment.

C’est un cocktail explosif : sans présence, sans parole, sans vécu partagé, l’enfant reste seul avec son émotion. Il la subit, il l’amplifie. Et il n’a aucun modèle vivant pour apprendre à la contenir. L’enfant voit que l’adulte ne résiste pas à l’appel de l’écran. Il ne le juge pas, mais il l’imite.

⚠️ La démission de l’adulte : tout le monde à égalité ?

La société actuelle fait de chaque individu un consommateur. L’enfant est un client, un mini-adulte. Les droits sont nivelés, les devoirs aussi. Le parent n’ose plus poser un cadre, de peur de paraître autoritaire ou d’être jugé.

Pourtant, c’est le cadre qui est la preuve de l’amour. L’absence de cadre, c’est l’abandon. Un enfant sans autorité structurante se sent seul, exposé. Il panique. Il crie. Il agresse. Il souffre.

🌳 L’effondrement des rôles-modèles

Qui aujourd’hui incarne la patience ? Qui montre la maîtrise de soi ? Où sont les figures de tempérance, les tuteurs mentaux comme les tuteurs d’arbres jeunes ? Notre écosystème mental est fragile. Il a besoin d’appuis, de repères, de figures stables.

Sans modèles incarnés, l’enfant est condamné à l’expérience brute, sans transmission. Et la frustration devient un mur contre lequel il se cogne. L’adulte n’est plus là pour protéger, pour porter, pour tenir bon.

À force d'être nourri par le feed, il est affamé de réel. Un livre s'ouvre, invite à l'évasion. Un écran réduit le monde à soi. L'un grandit, l'autre enferme.

Ce constat, en tant que professionnel de la préparation mentale, je le partage car il est urgent et capital pour aider quiconque à comprendre le monde qui l’entoure et permettre de mieux prendre soin de soi et de son mental. Prendre conscience.

Très vite je vous partagerai les conseils qui aident nos jeunes qu’ils soient athlètes ou non à mieux vivre et gérer cette frustration. Je crois impératif de réapprendre que la frustration n’est qu’une émotion parmi tant d’autres.

Vivre : ça n’est pas suivre le feed comme un mouton … mais construire son chemin, avancer, penser et se donner le droit de ressentir.

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